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Journal de guerre de Jean Bousquet 1914-1919. Cliquez ici pour voir tous les messages les uns sous les autres...
21 septembre 2014

60 - "Bataille de Verdun" -Avocourt - Distractions et partage de pain avec un boche et quelques aventures...

  Dans un tournant de la tranchée, sur le dessus du parapet, l'on avait placé du treillage à lapins pour éviter aux grenades de tomber dans ce coin assez rapproché des boches.

  Un jour un Lieutenant qui venait de rentrer de permission me prêta des magazines ("Lectures pour tous" et "Je sais tout"). Je reste là une bonne heure si ce n'est plus et une fois ma lecture terminée je fais un tour dans les autres tranchées des compagnies voisines et reviens auprès du commandant. A peine arrivé, un tir violent d'artillerie et de torpilles se fait de nouveau entendre avec beaucoup de précipitations. les mitrailleuses se mettent également de la partie - tout cela cesse un peu avant la nuit - Il y a de nouveau des morts et aussi de nombreux blessés. La Cie de Mitrailleuse a eu pour sa part quelques tués et parmi les blessés le Maréchal des Logis Philippe que j'ai remplacé plus tard dans ses fonctions. Il avait une blessure à la jambe. On parlait même de la lui couper. Des hommes de la 21° sont tués et le Lieutenant des "Lectures pour tous" était parmi les blessés. Les tranchées étaient un peu en mauvais état après ce bombardement. Je n'ose pas dire ce que l'on a ramassé le lendemain matin à peu de distance de là.

  Le 14 juillet, je vais faire un tour du côté de chez Carné, je rencontre le Maréchal des Logis d'Artillerie détaché auprès de notre Bataillon. (photo ci-contre faite par Carné). Je vais de nouveau essayer de faire une photo des boches, mais ce n'est pas facile ni très prudent, ne sachant pas toujours à qui l'on a affaire! Il ne s'agit pas seulement d'exposer son appareil aux balles ennemies, mais il faut le tenir et viser dans l'objectif qui est au-dessus de l'appareil, donc sortir le buste au-dessus de la tranchée. Une fois de plus, je monte sur une banquette de tir pour prendre ma photo, mais auparavant j'avais inspecté le coin des boches (ils étaient à 40 mètres) au moyen d'un périscope. Voyant un boche remuer alors que je tenais mon Kodak à bout de bras pour le lui montrer, il sorti la tête. Je fais donc comme lui je me montre et fais ma photo. Pendant que je mettais au point et que je faisais le déclenchement je me demandais si un autre boche n'était pas lui aussi occupé à mettre quelque chose au point qui n'aurait pas été un Kodak, mais un Mauser! il aurait eu tout le temps voulu pour m'exterminer.

DSCN9580

  Peu après à titre d'expérience et de curiosité, nous fîmes la même manoeuvre, mais au lieu de montrer un appareil photo nous montrons une demie boule de pain. Cette fois le boche se montre jusqu'à la ceinture - nous savions qu'ils n'avaient pas toujours abondance de nourriture ni de pain blanc-.

  Carné et moi grimpons alors sur le parapet avec notre morceau de pain que nous avions pris dans la sape du Commandant Revel du 5° Bataillon. Il n'aurait pas fallu qu'il le sache! Le boche de son côté nous voyant sans arme, monte lui aussi sur le dessus de sa tranchée, déboutonne sa capote après avoir posé à terre son équipement et ses armes. Rien ne nous disait que d'autres boches n'étaient pas à l'affût le doigt sur la détente de leur fusil...il ne fallait pas y penser. Le boche avance vers nous en quelques enjambées, sa capote déboutonnée laisse voir son tricot de laine rayé par le travers de bleu et de blanc. Il était grand et paraissait peut-être encore plus large qu'il n'était. je ne me souviens pas si c'est Carné ou moi qui lui avons remis la demie boule de pain, mais je sais qu'elle lui a été lancée dès qu'il a été à un ou deux pas de nous, dans la crainte qu'il ne saute sur nous. Il y aurait eu alors certainement un mauvais moment à passer et peut-être un déclenchement de tir désagréable pour les poilus restés dans les tranchées. Il suffisait souvent de peu de choses pour faire de la "casse". Une fois en possession de son morceau de pain, notre boche  enfonça ses dents avant seulement de songer à faire demi-tour. En rentrant ensuite précipitamment dans son trou il nous a remercié avec un large sourire (il y aurait eu une photo à faire).

 

  Une nuit de relève alors que nous venions de prendre quelques jours de repos dans le Bois en arrière et que nous arrivions en vue du Réduit d'Avocourt, des obus tombent dans le boyau obstrant tout. Je ne sais s'il y a eu de la casse comme lors de notre arrivée le 1er juillet, mais je lâche le Commandant pour filer directement au P.C. en passant par dessus la tranchée. Il y avait clair de lune, aussi comme le réduit d'Avoourt était en forme de labyrinthe et que la nuit tous les coins se ressemblent quelque peu, je croyais m'être perdu, c'est à dire que je ne savais plus du tout où j'étais. Enfin j'arrive devant une tranchée que je ne connaissais pas, je marche courbé et ne vois personne. Juste un peu plus loin des hommes, mais il était impossible de distinguer si le casque était celui d'un français ou d'un boche, juste le dessus qui brille au clair de lune sans en donner la forme exacte. Je commencais à être très ennuyé, pas moyen de faire demi-tour, d'ailleurs je n'aurai pu retrouver mon chemin après tous les détours que j'avais dû faire pour arriver là. Enfin une tranchée me semble vide, juste au moment où  je m'élance un casque sort de l'ombre...heureusement c'était un poilu français...je ne lui ai pas dit que je venais de le prendre pour un boche, l'espace d'un instant, juste le temps de mon saut dans le vide, je croyais bien que c'en était un!

Je ne me suis jamais vanté de cette aventure, j'ai eu ensuite vite fait de retrouver le P.C. où j'étais avant la liaison.

 

 

 

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