40 - Janvier - Une aventure....

 Au début de janvier, les boches envoient de grosses "marmites" sur Nancy. (Des obus de 380), un ou deux tombent près de la gare, les billets des bagagent volent en tous sens ; on en retrouve à plus de 500 mètres de là. Un obus court, tombe dans un champ près du cantonnement du 5° Bataillon, faisant un trou énorme dans le sol détrempé par les pluies.

 Dans Nancy, les dégats sont parfois importants. De grands immeubles sont anéantis d'un seul coup. Ma soeur justement de passage dans un hôtel devant la gare voit tous les carreaux se briser et les étiquettes de la consigne s'éparpiller jusque dans sa chambre.

 Je vais un jour à Nancy avec Carné voir les dégats et faire des photos. Au moment où je venais d'en prendre une, nous sommes arretés par un inspecteur de police qui nous demande de le suivre au poste. Voilà une aventure assez désagréable. Nous risquons de voir nos appareils confisqués et peut-être aussi un rapport à la division (il était défendu de faire des photos au front). Nous marchons aux côtés de l'inspecteur. Arrivés à un tournant de rue je lui montre que d'autres poilus sont également amateurs de photos, ils sont occupés à photographier un maison coupée en deux par un obus ; l'inspecteur est perplexe, nous profitons de l'occasion pour lui fausser compagnie, nous piquons tous les deux un galop suivis de l'inspecteur! Mais deux ou trois tournants de rues nous le font perdre de vue. Nous sommes débarassés de lui et de la suite qu'il aurait donné à cette affaire.

 Le soir de retour au cantonnement, le Commandant du Mesnil s'est amusé de cette aventure. Il aurait voulu nous voir être conduits au Commissariat de la Mairie, où justement il venait de déjeuner avec son ami M. Simon, Maire de Nancy.